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Les images se bousculaient dans sa tête, virevoltant comme des feuilles maladroites dont la trajectoire reste inconnue. La surprise était un bien faible mot pour décrire son état. Un frisson parcourut son dos, glissant jusqu'à ses jambes, puis ses bras, et arrêta sa course dans le bout de ses doigts qui tressaillirent légèrement. Il lui rendait à présent son regard, calme, posé. Tout cela n'avait aucun sens, sa seule présence suffisait à faire fuir les plus téméraires d'ordinaire, mais pas lui, non, il resta ainsi, comme dénué de toute appréhension. Etait-il fou ? Impossible, il n'était dans ses murs que depuis quelques heures tout au plus, dans le cas contraire Lily en aurait sans nul doute déjà apprécier le parfum, savourer les tendres prunelles, dont la couleur se rapprochait éperdument des siennes. Un instant, le caïnite s'imagina que cette apparente décontraction, ainsi que cette élégance singulière étaient les signes trahissant sa véritable nature. Etait il comme elle ?

* Impossible... *

La chaleur de son corps déteignait sur l'ensemble de la cours, l'enveloppant d'un voile fin, à peine perceptible, mais curieusement attirant. Son cœur battait dans sa poitrine, peut être un peu trop vite en fin de compte. Ce loup magnifique qu'il arborait comme un étendard guerrier n'était autre qu'un leurre, une arme, car après tout, il était humain, il craignait la mort, comme chacun d'eux. A moins que ... Les sens de Lily étaient déroutés par cet étrange personnage, empli de contradictions, et elle n'arrivait pas à le cerner dans sa globalité. Ses grands yeux attiraient inexorablement son regard, dissipant les pensées de la jeune femme comme un vent trop violent balayerait le sable fin de la plage.

La pluie redoubla encore, alors qu'un large éclair trancha le ciel quelques kilomètres plus loin. C'est à cet instant que Lily décida d'assouvir sa curiosité. Lorsque la foudre aveugla un moment la nuit, elle avala la distance qui la séparait du mystérieux inconnu. Un battement cil suffit pour que la cours qui les séparait ne se réduise qu'à quelques mètres. Elle ne souhaitait pas l'effrayer, bien que... Cette attitude aurait vite fait d'agacer ses frères qui se feraient un plaisir d'imprimer sur son joli minois le masque de la mort. Cette pensée la dépouilla d'un nouveau frisson, amplifié par l'odeur délicate qui émanait du jeune homme, bien plus perceptible à présent. Elle était d'une douceur exquise, et malgré la pluie, Lily s'appliqua à en savourer tous les aspects. Enivrante, captivante, jamais auparavant le vampire n'en avait connu de plus délectable, c'était un joyau, une perle, du plus merveilleux des océans. Ce parfum n'éveillait en elle que les plus louables intentions, endormant inéluctablement la Bête qui l'habitait...

Ses yeux redessinèrent ses traits trop parfaits, vagabondant à leur guise dans les prunelles de l'inconnu. Qui était il ? Des questions sans réponse s'entremêlaient dans la tête de la jeune femme, qui, à cet instant, ne désirait qu'une seule et unique chose : avoir de don de ses frères et sœurs pour pouvoir lire en lui comme dans un livre ouvert. Malheureusement, ce n'était pas le cas, et les pensées qui naissaient dans l'esprit du brun restaient d'inexorables secrets. Elle s'en mordait les doigts intérieurement. Ce visage, éclairé par un nouvel enfant de l'orage, était d'une prestance sans pareille. La beauté qui animait ses traits n'avait d'égal que la profondeur de ses yeux, aussi brillants que les plus belles des pierres précieuses. Lily était conquise, son coeur battait différemment, pompant autre chose que la mélancolie et la douleur. Un sentiment neuf, dont elle ne pouvait cerner l'origine.

Une obsession ? Peut être, mais l'idée de voir le jour se lever sans avoir le nom de ce bel inconnu lui tordit le ventre. Elle voulait tout savoir de lui, le protéger de ses frères et sœurs. Il était différent des autres, il se dégageait de la masse informe des autres esclaves, il était... Unique ?

Cette odeur, si familière... Lily aurait tout donner pour s'en séparer, pour ne plus en être éperdument attirée. Métallique, chaud et envoutant, ce parfum était diaboliquement agréable. La rivière de rubis que s'imaginait le vampire, autour du corps sans vie de la jeune femme, lui arracha un frisson, empli de désir et d'épouvante. Dans sa bouche, deux longues canines s'allongèrent légèrement, venant lui piquer la langue de temps à autre. Dans un sens, il n'avait pas tord... Elle était peut être bien comme lui, et cette approche furtive vers l'insolent dénué de crainte n'était sans doute qu'un manège pour l'attirer dans ses filets, à sa manière. Oui, William devait avoir raison...

* Tu t'égares ma pauvre... *

Reprenant le cours de ses pensées, Lily écouta avec attention les quelques menues paroles du jeune inconnu. Comment pouvait on se moquer ainsi de la vie... C'était absurde. Tandis qu'elle, aurait vendu son âme pour une seconde chance, lui, n'avait pas peur de mourir. C'était déconcertant, mais curieusement attirant, car le caïnite était absorbé par cette étrange personnage, dont les motivations dépassaient très largement l'entendement. Il était... A part. Tel un oiseau solitaire, dont la course folle ne s'arrêterait sans doute jamais, tant il était marginal. Mais déjà, les grands yeux bleus de Lily fondirent dans les siens, presque menaçants, comme s'il venait de proférer le pire des blasphèmes. Elle ne cherchait pas à lui faire peur, seulement à lui faire prendre conscience, qu'après la mort, il n'existe pas de paradis...

D'un geste lent et calculé, elle s'approcha, emplie d'une délicatesse sans limite. Il s'était redressé, la surplombant de toute sa hauteur. La frêle distance qui les séparait s'évanouit, et une seconde suffit pour que le souffle froid de la donzelle ne vienne caresser la peau de son cou. La bise du Nord aurait ressembler aux vents chauds et secs du Sahara à côté de cette furtive sensation, incommensurablement glacée. Langoureuse, elle lui souffla à l'oreille d'une voix doucereuse :

« Tu devrais pourtant... »

Il eut un nouvel éclair, et le visage séraphique de Lily s'évanouit, retrouvant sa place, quelques mètres plus loin, distance qui, selon elle, était préférable de garder, tant l'odeur du carmin se faisait pressante ces derniers temps. Finalement, la pluie se calma quelque peu, laissant à la terre de recueillir ces larmes. A l'horizon s'éleva déjà les prémisses des rayons du soleil, précieusement gardés par les reliefs que révélait l'horizon. Elle observa la scène avec attention, telle Cendrillon guettait l'imposante horloge du château, qui sonnerait les derniers coups de minuit. Son heure n'allait plus tarder maintenant, et le malheureux retrouverait la solitude qu'il chérissait tant...